UNE AFFAIRE D'ETAT

UNE AFFAIRE D'ETAT.

 

La question Metis ou plus précisément la ségrégation des Metis qui fait l’objet de ce Jeudi de l’Hémicycle fut hier, une véritable affaire d’Etat. Je la qualifie d’affaire d’état pour les raisons suivantes :

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  • L’état colonial belge a considéré une partie de sa population notamment les « Mulâtres » comme représentant un danger, une menace au prestige racial du colonisateur blancetà la pérennité du régime colonial et des intérêts vitaux qui y était associés.
  • L’état s’est investi pour soustraire le débat du domaine public et donner la primauté aux aspects politiques et ce au mépris du droit et de la dignité des Metis.
  • L’état a tout mis en œuvre pour soumettre, contrôler les Metis et les associations philanthropiques ou mutuelles d’entraide des Metis en vue de prévenir et d’anéantir définitivementla menace que représentait à leurs yeux cette population.

Dans cette perspective, des initiatives ont été élaborées, mises en œuvre ou abandonnées, dans le seul but, et j’insiste, dans le seul but de faire en sorte que la menace supposée, le danger postulé, que pourraient constituer les Metis,  ne puissent mettre en péril l’honneur et le profit du colonisateur et ce, jusqu’à la veille des indépendances du Congo, du Rwanda et du Burundi.

La plupart de ces initiatives ont souvent conduit à des impasses et même à des souffrances.

Parmi ces initiatives, la plus malheureuse fut le retrait d’enfants en bas âge à leur mère pour les confier à des institutions chargées de les éduquer et de les former afin d’en faire une population utile à la colonie ; ces institutions, souvent éloignées du lieu de naissance, concrétisaient la rupture avec le milieu d’origine, un profond sentiment d’abandon et d’injustice, une perte totale d’identité et de repère. Cette soustraction à leur foyer n’était autre qu’un rapt déguisé et pour préserver l’honneur des géniteurs qui parfois conduisaient leurs enfants dans ces orphelinats, leurs noms et prénoms étaient modifiés.

Ces initiatives ont eu pour résultatla ségrégation des Metis avec les conséquences de toutes sortes que certains témoignages de Metis, de leurs Mamans africaines, de certains de leurs Papas blancs, de leurs éducateurs révèlent encore aujourd’hui.

  1.  La doctrine coloniale belge sur le métissage et les Metis

 a.       La doctrine ou ligne de conduite

Pour asseoir, justifierou banaliser la ségrégation des Metis, l’état colonial s’est appuyé sur une ligne de conduite dont il est intéressant de comprendre les origines et l’autorité qu’elle a reçue de diverses personnalités.

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J’attribue à Joseph Pholien la paternité de la doctrine coloniale belge sur le métissage et les Métis. Dès 1913, ce juriste qui deviendra plus tard Premier Ministre écrivait :

« Par la nature même des choses, les métis bénéficient des qualités et subissent les tares des deux races qu’ils représentent. Influencés par l’élément blanc, ils auront pour la race de couleur un réel mépris ; ils auront de la haine pour la race blanche, au sein de laquelle ils ne seront jamais admis sur pied d’égalité. Dès lors, dédaignant leur mère et détestant leur père, ils semblent justifier la boutade : « Dieu a fait l’homme blanc et l’homme noir, le diable a fait le métis ». Sauf exception, les métis sont donc des éléments peu moraux et dès lors, ils sont à craindre. Les métis constituent donc un élément qui peut devenir très vite dangereux et il importe de chercher à en diminuer le nombre. Il faut donc reconnaître qu’aucun remède n’est assez radical pour éviter la création de métis. Les Gouvernements ne peuvent dès lors pas les ignorer et, puisqu’ils représentent des inconvénients et des dangers, il faut chercher à atténuer ceux-ci par des mesures législatives et administratives. Mais quelle doit être la politique à adopter ? Avant tout, s’inspirer, non de principes abstraits, mais d’idées pratiques et réalistes qui soient à la fois en communion avec l’humanité et avec l’intérêt colonial.»

 b.      Les cautions à la doctrine

 Plusieurs personnalités belges ont cautionné  par leur autorité morale, scientifique, politique ou religieusela ségrégation des Metis et le combat contre le métissage.

En 1914 le Jésuite Arthur Vermeerschlançait l’offensive contre le métissage en ces termes :

« A prendre une concubine noire, on subit une défaite. Quelques prétextes sont ajoutés pour colorer la capitulation. Pour la colorer, mais de quelles couleurs ! N’est-ce pas une honte d’accepter la prévarication pour des avantages temporels ? On ne transige pas avec le devoir. L’honneur chrétien est un honneur militaire : il nous dit de mourir, plutôt que nous rendre à l’ennemi. Et à ce moment s’évoque à mon regard la mission coloniale : mission de conquête, s’il en fut ; mission de conquête sur la matière et sur la sauvagerie. Elle réclame toute notre force, notre vigueur. Confiée à des vaincus, pareille mission est-elle en de bonnes mains ? »

 « Nous affirmons qu’une attitude plus ferme et plus résolue s’impose à nous vis-à-vis de l’immoralité, et qu’on ne pourrait mieux servir la colonie qu’en travaillant à son assainissement moral. Prenons garde que notre faiblesse et notre excessive indulgence ne nous enlèvent à la fois le profit et l’honneur.»

En 1930 le Professeur Pierre Nolfapporte sa caution scientifique :

«Un mulâtre est le dépositaire de caractères blancs et de caractères noirs juxtaposés mais entre lesquels aucune fusion ne s’opère. À aucun moment de son existence individuelle, les chromosomes paternels ne contractent avec les maternels d’autres rapports que ceux de voisinage »…

« Ma conviction intime, puisée à l’étude des lois de l’hérédité, est qu’il importe de décourager, voire d’empêcher par tous les moyens utilisables, les mariages entre Blancs et Noirs au Congo ou en ce pays. Ces unions ne sont généralement pas heureuses pour ceux qui les contractent ; elles produisent des métis qui, n’étant d’aucune des deux races, forment un élément social instable et mécontent. Elles sont une grave menace pour l’avenir de la race blanche, qui ne restera capable de remplir la mission civilisatrice qu’à la condition de préserver la qualité de son sang. »

En 1935, Paul Crockaert ancien Ministre des Colonies et président de l’Oeuvre de Protection des Mulâtres, ouvre le Congrès sur le contact des races à Bruxelles (1935) en ces termes :

« Le peuple civilisateur doit être plein de bonté et de générosité pour le peuple civilisé mais cette bonté et cette générosité ne sauraient être efficaces si elles ne s’accompagnent pas de sagesse et de vertu. La sagesse dit qu’il échet ? de se garder du métissage, qu’il faut le décourager, voire l’empêcher par tous les moyens efficaces . La vertu enseigne qu’il y a lieu d’éviter la tentation d’unions mal assorties, parce que leurs descendants pâtiront d’une composition indésirable du sang et d’un mélange non moins indésirable des caractères ethniques. L’avenir de la race blanche en Afrique et le respect de la race noire sont à ce prix. »

Lors du même Congrès, Robert Ketels, au nom du racisme pan-européen affirme ceci :

 « Pour le Racisme, le mulâtre est un monstre et tout ce qui contribue à le produire est une monstruosité, non seulement la conjoncture, mais surtout l’idéologie ambiante, complice ou cause directe. Le métissage est pour la race une cause de régression et de désagrégation.

Et pour les futurs cadres coloniaux formés à Anvers, le Pr Habig enseigne en 1948:

« Biologiquement le mulâtre est un africain. C'est-à-dire qu'il y a en lui quelques caractères irréversibles nés de pays chauds. Selon la loi qui veut que l'on peut "cuire" et non point "décuire", le mulâtre trouve son berceau naturel et les éléments de sa culture sur le sol africain.

Socialement, l'expérience démontre que le mulâtre peut être d'emblée assimilé par la culture européenne. Son émotivité peut être très délicate, il possède une grande capacité de souffrance morale due à l'hérédité du système nerveux blanc. Il est en général plus dynamique que le Noir.

Intellectuellement, il est intermédiaire entre le Blanc et le Noir. Son type d'intelligence est un peu plus affectif que le nôtre, il est un peu moins abstrait, mais néanmoins il est capable de comprendre les impératifs abstraits. On voit que le corps du mulâtre devrait rester en Afrique tandis que son cerveau devrait être cultivé en Europe.

2.      L’état colonial et la prise en main de la question «  Métis-Mulâtres »

La prise en main de la question « Métis-Mulâtres » par l’état colonial belge se perçoit mieux à travers les débats au sein d’instances officielles et à travers les vœux ou propositions qui en sont issus.

a.       Au sein du Comité Permanents pour la Protection des Indigènes :

Dans la problématique concernant le métissage, il faut retenirdeux décrets importants de L’Etat Indépendant du Congo: celui du 12 juillet 1890 concernant la protection des enfants abandonnés et celui du 4 mars 1892 par lequel l’Etat autorisait les associations philanthropiques et religieuses à recueillir, dans les colonies agricoles et professionnelles qu’elles dirigeaient, les enfants indigènes dont la loi avait déféré la tutelle à l’Etat.

Ces décrets furent appliqués aux enfants metis à la demande du CPPI lors de sa réunion du 15 mai 1911. L’application abusive de ces deux décrets marqua la légalisation de l’acheminement et du confinement des Metis dans des centres tenus par ces associations. Ces décrets sont à la base du sort de nombreux enfants metis et expliquent comment et pourquoi certains se sont retrouvés, dès leur jeune âge, loin de leur mère et de leur village natal. Elles expliquent aussi pourquoi la force fut utilisée par endroit pour arracher les enfants à leurs familles.

Dans sa session de 1938 le CPPI préconisait :

 1° Que le Gouvernement adopte définitivement à l’égard des mulâtres une politique analogue à la politique d’assimilation qu’il pratique à l’égard des indigènes ; qu’il réprouve toute tendance, faussement généreuse, à instituer une caste et un régime distinct pour les mulâtres ; qu’il favorise leur formation et leur développement dans le cadre des institutions et de la société indigène évoluée ;

2° Que le Gouvernement invite les organismes créés en Belgique en faveur des mulâtres à limiter leur activité aux mulâtres qui se trouvent en Belgique ; qu’au surplus ces organismes se rallient aux principes adoptés par la Commission et qu’ils renoncent à recommander toute politique de caste, contraire à l’intérêt bien compris de leurs protégés ;

3° Que le Gouvernement local arrive à la suppression des groupements, sociétés ou mutuelles constituées dans la Colonie exclusivement  pour ou par les mulâtres et ne les autorise plus à l’avenir »

b.      Congrès International pour l’étude résultants du mélange des races.

Plusieurs propositions et vœux furent formulés lors du Congrès International pour l’étude des problèmes résultants du mélange des races tenu à Bruxelles en octobre 1935. Ce Congrès constitue un tournant pour deux raisons majeures. C’est à cette occasion que furent émis les trois choix sur le sort des Metis (Henri Labouret):

  • Accueillir le sang mêlé dans la collectivité européenne.
  • Le rejeter au contraire dans la communauté indigène.
  • Constituer avec ses pareils un groupe distinct, ayant ses intérêts particuliers et assurantla liaison entre les représentants de la colonisation blanche et la population locale.

C’est au cours de ce Congrès que fut avancé pour la première fois la proposition, qui allait dans le sens du premier choix,  consistant à :

Envoyer dans la mesure du possible ces enfants d’Afrique en Europe, où ils seraient placés soit chez des particuliers qui pourraient les adopter, soit dans des institutions de charité, publiques ou privées.

Ce congrès ainsi que d’autres éléments poussèrent l’état colonial à sortir du bois pour ne pas se laisser déborder. Le Ministère des Colonies créa une commission ad hoc.

 c.       La Commission ministérielle pour l’étude du problème des mulâtres 1938-1939

Cette commission fut créée à la suite du Congrès de 1935, d’une interpellation parlementaire et du dilemme sur l’octroi des allocations familiales pour un enfant metis reconnu par son père.

Il en est ressorti neufs points en ligne avec les vœux du CPPI:

1°) que le Gouvernement ne favorise d’aucune manière l’envoi des mulâtres en Belgique ce qui implique un avis défavorable à l’octroi de l’indemnité familiale ;

2°) qu’il s’intéresse aux mulâtres abandonnés en Belgique soit en soutenant l’œuvre qui s’occupe d’eux, soit de toute autre manière ;

3°) que, par ses divers services d’Afrique ou certaines œuvres qui s’y sont créées : service médical, assistance médicale, consultations de nourrissons, goutte de lait, etc., il assure aux enfants mulâtres tous les soins qu’ils réclament dans les mêmes conditions et sur le même pied que les noirs, mais avec une sollicitude plus vigilante et plus étendue ;

4°) qu’une existence matérielle décente soit assurée aux jeunes mulâtres : alimentation, vêtements, etc. ce qui peut se réaliser par le placement dans des établissements d’instruction ;

5°) que l’on fasse prévaloir l’intérêt des mulâtres sur les droits de la mère de telle sorte que la seule mauvaise volonté de celle-ci ne puisse mettre obstacle aux mesures que l’intérêt de l’enfant commande ;

6°) que l’on recherche le moyen de faire participer le plus possible le père d’un mulâtre à ces diverses mesures par le versement d’une pension alimentaire ; (cf. Art. 340 Code Civil Belge)

7°) que le Gouvernement s’efforce de procurer une situation aux mulâtres adultes ;

8°) qu’il s’intéresse aux œuvres qu’ils fondent dans la Colonie : mutualités, cercles, etc.… pour en garder le contrôle et la surveillance ;

9°) qu’il s’intéresse aux œuvres qui, au Congo, s’occupent du problème des mulâtres et veille que l’action de ces organismes s’exerce dans le sens du programme qu’il aura adopté. Le problème ne revêtant pas seulement un aspect de bienfaisance mais un aspect social et politique, le Gouvernement, dont le concours est d’ailleurs constamment sollicité, a non seulement le droit mais le devoir d’orienter l’activité de ces organismes dans le sens indiqué.

 d.      La Commission ministérielle chargée d’étudier sous tous ses aspects le problème des mulâtres (1947-1952)

 Entre 1940 et 1945, la question fut débattu dans les Conseils de Gouvernement Général et Provinciaux, jusqu’à la constitution d’une nouvelle commission ministérielle par le Ministre libéral R. Godding avec pour mission de trouver des solutions concrètes aux problèmes des Metis et plus particulièrement aux trois aspects : le statut, l’éducation et les carrières. Le remplacement de Godding par Pierre Wigny créa aussitôt une nouvelle commission chargée derégler le problème du statut des indigènes « évolués » et de la carte de mérite civique. Elle fusionna avec celle sur le problème des Metis renforça les impasses dont deux méritent qu’on s’y arrête : le statut juridique, l’éducation.

 

3.      Les impasses majeures dans la prise en main de la question « Metis-Mulâtres » par l’état coloniale belge :

a.       L’impasse sur le statut juridique :

 Dans un contexte de barrière de couleur de fait, le statut juridique des Metis constituait un casse-tête permanent aux conséquences lourdes pour les Metis. François d’Adesky évoquera un aspect préoccupant qui résulte de cette impasse. Mais écoutons plutôt deux juristes belges qui ont écrit à 40 ans d’intervalle.

En 1920 le juriste Paul Salkin écrivait :

« Les lois de la colonie du Congo belge sont muettes sur le statut des mulâtres. Cette omission devrait être réparée. Le mulâtre ne cesse d’être un indigène que s’il est reconnu par son père avant sa majorité. Un assez grand nombre d’enfants mulâtres sont recueillis et éduqués dans les établissements philanthropiques : ils acquièrent ainsi la qualité d’indigènes immatriculés. Beaucoup cependant sont laissés à l’abandon. Il est recommandé par la dignité de la race blanche de faire aux mulâtres un statut qui les distingue des indigènes. Ne pourrait-on les grouper, une fois adultes, favoriser parmi eux des intermariages et les inviter à vivre dans des agglomérations séparées où ils développeraient une civilisation originale ? »

En 1959 le juriste Jean-Paul Paulus écrivait :

 « Le statut des mulâtres est très difficile à déterminer juridiquement parce que la loi n'en parle pas. Il faut cependant faire entrer le mulâtre dans une des trois catégories fondamentales : belges, congolais, étrangers. En bref, c'est la filiation juridiquement établie des mulâtres qui décidera de leur statut. Mais la législation étant muette à leur égard, la jurisprudence flottante, le statut des mulâtres est mouvant, parfois ils sont considérés comme des indigènes et parfois comme des non-indigènes » 

L’impasse sur le statut juridique se comprend aisément si on considère comme il est dit dans le Tome I du droit colonial :

« L'auteur de la loi du 18 octobre 1908 (dite Charte Coloniale) a voulu maintenir les privilèges de naissance et de race en vue d'assurer la suprématie des Blancs sur les Noirs et les rendre ainsi à même d'exercer le rôle civilisateur qui leur était assigné. »

Dans le cadre des débats sur la question du statut, la commission ministérielle de 1947 avait avancé un projet de décret sur la recherche de paternité volontaire ou forcée et l’action alimentaire. Ce projet s’appuyait sur un projet déjà évoqué en 1924 par M Gohr lors d’une question parlementaire destinée au Ministre des Colonies et qui avait été mis aux oubliettes.. Ce projet fut combattu notammentparle Gouverneur Général Pierre Ryckmans selon lequel :  

« Cette législation ne résout rien en faveur des enfants mulâtres, qu’ils soient reconnus ou non, dont le père ne subvient pas à l’entretien et à l’éducation.

En revanche cette législation, qui admet la preuve testimoniale pour établir le fait matériel des relations avec la mère, ouvre la voie au chantage, aux procès scandaleux et aux erreurs de la part des juges ».

Plutôt que la recherche de paternité le Gouverneur Pierre Ryckmans proposait:

« …d’assurer à ces enfants l’éducation que reçoivent les indigènes civilisés et de leur donner, par conséquent, à tous, la chance de se créer une situation sociale comparable à celle à laquelle ces indigènes peuvent prétendre. Il ne s’agit pas de constituer une classe de mulâtres distincte de celle des indigènes civilisés, mais bien de permettre aux mulâtres de s’élever au niveau de ceux-ci. A cette fin, j’estime qu’il conviendrait que le législateur donnât aux autorités le moyen légal de retirer l’enfant mulâtre du milieu indigène, même si cet enfant n’est pas délaissé, abandonné ou orphelin, en vue de déférer sa tutelle à des institutions philanthropiques qui lui assureront l’éducation de l’indigène civilisé. Cet enfant sera retiré du milieu indigène même s’il n’est pas délaissé ou abandonné au sens propre du mot. Le but recherché est en effet de donner aux enfants mulâtres la même éducation, la même instruction que celle que nous donnons aux indigènes les plus favorisés et de les élever au niveau de ceux-ci.

 b.      L’impasse sur la question de l’éducation.

Jusqu’en 1948, les metis n’étaient pas admis dans les écoles ouvertes pour les enfants blancs. Aucune loi, aucune règle ne justifiait cette ségrégation. La décision de construire des établissements scolaires réservés aux Metis a été prise dès 1911. Elle ne se concrétisera qu’en 1944 par la création des établissements à Lusambo (filles) et Kabinda (garçons) pour les Metis reconnus et répondant à des critères bien précis. La plupart des enfants metis ont donc été instruits dans les établissements pour indigènes. Il faudra attendre 1948, non sans une farouche opposition des parents blancs et même de la très respectable « Ligue des Familles »  pour que les Metis reconnus soient admis moyennant examen médical, preuve d’éducation à l’européenne. Les Metis non reconnus y furent admis en 1952 en même temps que les enfantsnoirs dont les parents étaient porteurs de la carte de mérite civique ;

4.      Conclusion

Les Metis ont été l’objet d’une ségrégation ciblée aux conséquences déplorables encore aujourd’hui sans qu’il n’y ait jamais eu de preuve qu’ils aient constitué un danger ou une menace aux intérêts coloniaux.

Cette ségrégation relève de ce que je qualifie d’affaire d’état. Mais l’état belge s’est trompé d’ennemis. Il s’est acharné sur une communauté ou plutôt un groupe de personnes vulnérables. Lasollicitude hypocritement affichée a augmenté cette vulnérabilité compte tenu de la persistance d’une barrière de couleur niée mais perceptible dans les faits, dans les textes juridiques et dans les esprits.

Il est difficile, en quinze minutes, de relater la genèse et l’évolution de la ségrégation dont les Metis ont été l’objet, c’est pourquoi je vous invite vivement à lire mon livre intitulée Noirs-Blancs Metis et dont le sous-titre constitue le vrai titre : La Belgique et la ségrégation des Metis du Congo belge et du Ruanda-Urundi 1908-1960.

J’aimerais terminer en disant : Noirs-Blancs, Metis qu’importe ? L’amour, l’amitié, le partage et le courage politique font de nous, les bâtisseurs potentiels d’une humanité plus fraternelle car hier comme aujourd’hui, le métissage physique ne constitue pas une menace, un horizon qui s’éloigne, il se profile plutôt commeune espérance qui approche, un indicateur d’un vivre ensemble plus vrai, plus durable qui s’inscrit dans le seul métissage véritable : celui de l’esprit.