La question métisse dans le contexte colonial belge: Une affaire d'Etat

Assumani Budagwa

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Mardi 25 avril 2017
Hémicycle du Sénat

auteur du livre « Noirs-Blancs, Métis : la Belgique et la ségrégation des
Métis du Congo belge et du Ruanda-Urundi 1908-1960 »


Introduction


C’est en tant qu’auteur du livre intitulé « Noirs-Blancs, Métis : la Belgique et la ségrégation des Métis du Congo belge et du Ruanda-Urundi 1908-1960 » que j’ai été invité à donner quelques éléments sur la « Question métisse dans le contexte colonial belge ».
Je vous remercie pour cette invitation.

À la lumière de documents d’archives disponibles et de témoignages, mon livre retrace le contexte de l’émergence de la question « Métis », des discours sociaux qu’elle a suscités, des débats institutionnels qu’elle a alimentés, des politiques et des pratiques philanthropiques qu’elle a produites ainsi que de leurs résultats. Ce livre a comme but d’apporter un éclairage sur un aspect méconnu de la colonisation belge qui, pour certains Métis, a produit des drames humains aux conséquences encore insoupçonnées.

Dès 1986, j’ai cherché à comprendre ce que fut le sort des Métis du Congo belge et du Ruanda-Urundi après que ma cousine Madeleine Apendeki Lusakulira, et d’autres mères de métis, m’ont demandé de rechercher les enfants que, selon leurs dires, les « Blancs » leur avaient arrachés, voire volés. C’est cette urgence de rechercher des enfants métis « supposés abandonnés », acheminés dans des « orphelinats » et, pour certains, précipitamment emmenés en Belgique au début des années soixante du siècle passé qui m’a conduit à m’intéresser au sort des Métis dans le territoires sous domination belge.

D’après mes recherches, il apparaît que la ségrégation des Métis du Congo belge et du Ruanda-Urundi n’a été déterminée ni par le caractère supposé illégitime des unions qui leur ont donné naissance ni par une quelconque notion de bâtardise mais par une « barrière de couleur », une  « color bar » niée mais réelle, qui a caractérisé la politique coloniale belge dans son ensemble.
Elle résulte également de la façon de percevoir les Métis comme un potentiel danger pour les intérêts de la Belgique. La Belgique n’a pas pris le temps de définir une politique cohérente concernant les Métis ni même des mesures d’urgence pour les protéger, comme fit la France en leur octroyant quasi automatiquement la nationalité française par possession d’Etat. comme l’octroi de la nationalité sur le métissage et les Métis. Mue la plupart du temps par la défense de l’honorabilité des pères, elle a pris certaines initiatives concernant les Métis sans se soucier des dégâts éventuels.

Une ségrégation spécifique


La question métisse ou plus précisément la ségrégation ciblée dont les Métis nés sous la domination belge en Afrique (Congo, Rwanda et Burundi) ont fait l’objet, n’est pas un simple épisode de l’histoire coloniale belge et européenne; ce n’est pas non plus un sous-chapitre de la ségrégation dont ont profondément souffert les Noirs. La ségrégation ciblée des Métis du Congo belge et du Ruanda-Urundi est une question centrale de cette colonisation, un enjeu de pouvoir et, de ce fait, elle fut une préoccupation permanente du colonisateur belge. Elle est une composante de la politique coloniale et relève de la responsabilité de l’Etat belge qui a mis en place et entretenu cette ségrégation. Elle a mobilisé des généticiens, des anthropologues, des
juristes, des religieux, des hommes politiques qui ont apporté leur caution à cette discrimination. Elle fut débattue au sein de la Commission Permanente pour la protection des Indigènes, du Conseil Colonial, du Parlement et du Sénat. Elle a forcé l’Etat à mettre sur pied, contre son gré, deux commissions ministérielles sur une question devenue vitale, incontournable.

La ségrégation ciblée des Métis nés sous la domination belge en Afrique est donc spécifique. C’est cette spécificité qui m’a conduit à la qualifier de véritable affaire d’Etat.
La spécificité tient notamment au fait que la Belgique n’avait qu’une seule colonie et en plus peuplée exclusivement de Noirs. Elle repose sur la conviction largement partagée, que j’ai évoqué, selon laquelle le métissage et surtout le Métis constituent une menace au prestige de la race blanche, et un danger potentiel pour la pérennité du système colonial belge.
Comprendre et admettre cette spécificité permet d’apprécier à sa juste valeur la démarche que mènent aujourd’hui les Métis regroupés au sein de diverses associations: Association Métis de Belgique, Association des Métis du Congo, Association des Enfants laissés par les Belges au Congo, Association des Mulâtres du Burundi, terme péjoratif utilisé pendant la colonisation.
Comprendre et admettre cette spécificité permet d’entendre avec courage et humilité les principales revendications avancées par des Métis. Ces revendications ne relèvent pas de caprices d’enfants gâtées, de Métis qui auraient été privilégiés par rapport aux Noirs, privilégiés par rapport aux Blancs qui ont précipitamment quitté le Congo en 1960, comme l’avait fait trente ans avant eux le reporter Tintin sous la charge d’un peuple de buffles fatigués d’être nargués par un jeune homme arrogant et son petit chiot tout aussi arrogant.

La ségrégation des Métis du Congo belge et du Ruanda Urundi a connu des moments forts dont je vais résumer quelques épisodes.

La prise de conscience du métissage et les premières initiatives

Bien que tardivement entrée dans le concert des nations colonisatrices, la Belgique a très rapidement pris conscience de l’existence d’une nouvelle catégorie de population dont elle n’avait pas prévu de place ni même de statut ; la Belgique s’est également rendu compte que loin d’être marginales ou accidentelles, les unions entre Blancs et Noires se multipliaient et que l’arrivée des femmes blanches aux colonies n’en réduisait ni l’ampleur ni même l’attractivité.
Il faut souligner que pendant la période de l’Etat Indépendant du Congo, les unions entre hommes blancs et femmes noires était acceptées, tolérées et même encouragées.
Cependant, la présence d’enfants Métis nés de ces unions, et souvent abandonnés par les géniteurs blancs, constituait déjà une infraction à la moralité et au sens des responsabilités des Blancs et portait un coup au prestige moral du civilisateur.
C’est à partir du Congrès des Races, qui s’est tenu à l’Université de Londres en 1911, que les puissances colonisatrices s’interrogent et se soucient du contact des races et décident d’inscrire la question du métissage dans les échanges au sein des congrès de l’Institut Colonial International et sollicitent les sociétés d’anthropologie pour l’éclaire la nature biologique, génétique, sanitaire, morale, intellectuelle et psychologique du Métis.

Dès 1911, à la demande du Comité Permanent pour la Protection des Indigènes, l’Etat colonial belge est invité à appliquer aux Métis deux décrets aux conséquences graves : le décret du 12 juillet 1890 qui concernait la protection des enfants abandonnés, orphelins, délaissés, trouvés dont la tutelle était déféré à l’Etat et le décret du 4 mars 1892 qui autorisait les associations philanthropiques et religieuses à recueillir, dans les colonies agricoles et professionnelles qu’elles dirigeaient, les enfants indigènes dont la loi avait déféré la tutelle à l’Etat.
L’application de ces deux décrets légalisa l’acheminement et le confinement des Métis dans des asiles philanthropiques, des orphelinats et autres lieux similaires. Dès leur plus jeune âge, -quatre ans, parfois moins-, les métis furent arrachés à leur mère et à leur village natal par le recours à la force, aux menaces ou à la persuasion, sans qu’ils ne répondent aux critères pourtant bien définis d’enfants abandonnés, délaissés, orphelins ou trouvés. Un véritable rapt fut organisé, couvert par le poids de l’Etat conjugué à la toute-puissance de l’Eglise catholique et des missions protestantes ; cette menace poussa parfois certaines mères à cacher leurs enfants, notamment en les enduisant de suie pour les garder près d’elles.

L’ébauche d’une doctrine coloniale belge concernant les Métis

Parallèlement à sa participation aux sessions de l’Institut Colonial International, la Belgique élabore sa ligne de conduite à travers des publications de personnalités influentes ; la ligne de conduite que suivra la Belgique est énoncée par Joseph Pholien futur premier Ministre. Dès
1913, il écrit :
«Les pouvoirs compétents paraissent plutôt avoir obéi pendant longtemps à ce sentiment qui fait considérer comme secondaire un mal que l’on veut ignorer. Mais la question des métis a cependant fini par s’imposer dans les possessions de toutes les grandes nations et nous verrons qu’elle pourrait mettre parfois en péril l’avenir même des entreprises coloniales ».

« Par la nature même des choses, les métis bénéficient des qualités et subissent les tares des deux races qu’ils représentent. Influencés par l’élément blanc, ils auront pour la race de couleur un réel mépris ; ils auront de la haine pour la race blanche, au sein de laquelle ils ne seront jamais admis sur pied d’égalité. Dès lors, dédaignant leur mère et détestant leur père, ils semblent justifier la boutade : « Dieu a fait l’homme blanc et l’homme noir, le diable a fait le métis » ». Sauf exception, les métis sont donc des éléments peu moraux et dès lors, ils sont à craindre. Les métis constituent donc un élément qui peut devenir très vite dangereux et il importe de chercher à en diminuer le nombre. Signalons en passant qu’il conviendrait de persuader les coloniaux, dans la mesure du possible, du respect de la race à laquelle ils appartiennent.

Il faut donc reconnaître qu’aucun remède n’est assez radical pour éviter la création de métis. Les Gouvernements ne peuvent dès lors pas les ignorer et, puisqu’ils représentent des inconvénients et des dangers, il faut chercher à atténuer ceux-ci par des mesures législatives et administratives. Mais quelle doit être la politique à adopter ? Avant tout, s’inspirer, non de principes abstraits, mais d’idées pratiques et
réalistes qui soient à la fois en communion avec l’humanité et avec l’intérêt colonial».

L’offensive contre le métissage et sa caution


La position de Joseph Pholien fut vite relayé par une véritable offensive contre les unions entre Blancs et Noires appréhendées uniquement sous la forme du concubinage et non pas sous la forme d’union consacrée par la coutume du peuple hôte. Le Père Arthur Vermeersch écrit en 1914:

« À prendre une concubine noire, on subit une défaite. Quelques prétextes sont ajoutés pour colorer la capitulation. Pour la colorer, mais de quelles couleurs ! N’est-ce pas une honte d’accepter la prévarication pour des avantages temporels ? On ne transige pas avec le devoir. L’honneur chrétien est un honneur militaire : il nous dit de mourir, plutôt que nous rendre à l’ennemi ».
 
Ce que le Père Arthur ne dit pas, c’est que l’ennemi, la concubine noire, est le plus souvent une jeune fille pubère, à peine âgée de 12 à 13 ans. Une caution scientifique belge est aussi requise. Elle sera apportée par Pierre Nolf, professeur d’Université et ministre. Nolf écrit en 1930:
«Un mulâtre est le dépositaire de caractères blancs et de caractères noirs juxtaposés mais entre lesquels aucune fusion ne s’opère. À aucun moment de son existence individuelle, les chromosomes paternels ne contractent avec les maternels d’autres rapports que ceux de voisinage ».
« Ma conviction intime, puisée à l’étude des lois de l’hérédité, est qu’il importe de décourager, voire d’empêcher par tous les moyens utilisables, les mariages entre Blancs et Noirs au Congo ou en ce pays. Ces unions ne sont généralement pas heureuses pour ceux qui les contractent ; elles produisent des métis qui, n’étant d’aucune des deux races, forment un élément social instable et mécontent. Elles sont une grave menace pour l’avenir de la race blanche, qui ne restera capable de remplir la mission civilisatrice qu’à la condition de préserver la qualité de son sang».

Dès 1932 fut créée l’oeuvre de Protection des Mulâtres dont le but inavoué était de se protéger de la grave menace pour l’avenir de la race blanche. Cette oeuvre organisera un congrès international en marge de l’exposition universelle de Bruxelles de 1935 dont le titre est sans équivoque : « Congrès pour l’étude des problèmes résultant du mélange des races.
En ouverture du Congrès , Paul Crockaert, ancien ministre des colonies et président de l’oeuvre de Protection des Mulâtres, reprit les arguments avancés précédemment par les scientifiques, les juristes et les religieux, il rappela d’abord que « sans doute aucune race n’est probablement pure » mais souligna néanmoins que les différences de couleur de la peau, des cheveux s’étendaient « aux aptitudes intellectuelles et aux qualités morales » ; le peuple civilisateur devait être bon et généreux envers le peuple civilisé mais la sagesse et la vertu exigeaient de « se garder du métissage, le décourager, voire l’empêcher par tous les moyens efficaces ».

On atteindrait ainsi trois objectifs hautement désirables: éviter aux « métis de pâtir d’une composition indésirable du sang, garantir l’avenir de la race blanche en Afrique et le respect de la race noire ».
Mais de ce Congrès on retiendra essentiellement les trois propositions avancées et sur lesquelles le gouvernement belge devrait se prononcer : la transplantation des Métis en Europe dans les pays du père, le refoulement en milieu indigène, la formation d’une caste à part au sein des colonies.

En réponse à ce problème, et pour éviter tout débordement, l’Etat Colonial belge décida de prendre les choses en main et de soustraire le débat du domaine public. Les services du Ministère des Colonies rejetèrent les trois propositions et élaborèrent une ligne politique en neuf points sur la question des Métis. Ces neufs points furent remis à la commission ministérielle pour l’étude du problème des mulâtre qui se réunit de 1938 à 1939 sans aboutir à une solution satisfaisante pour l’Etat ni pour les Métis. Il s’agit des points suivants :

  1.  que le Gouvernement ne favorise d’aucune manière l’envoi des mulâtres en Belgique, ce qui implique un avis défavorable à l’octroi de l’indemnité familiale ;
  2. qu’il s’intéresse aux mulâtres abandonnés en Belgique soit en soutenant l’oeuvre qui s’occupe d’eux, soit de toute autre manière ;
  3. que, par ses divers services d’Afrique ou certaines oeuvres qui s’y sont créées, service médical, assistance médicale, consultations de nourrissons, goutte de lait, etc., il assure aux enfants mulâtres tous les soins qu’ils réclament dans les mêmes conditions et sur le même pied que les Noirs, mais avec une sollicitude plus vigilante et plus étendue ;
  4. qu’une existence matérielle décente soit assurée aux jeunes mulâtres : alimentation, vêtements, etc. ce qui peut se réaliser par le placement dans des établissements d’instruction ;
  5. que l’on fasse prévaloir l’intérêt des mulâtres sur les droits de la mère de telle sorte que la seule mauvaise volonté de celle-ci ne puisse mettre obstacle aux mesures que l’intérêt de l’enfant commande ;
  6. que l’on recherche le moyen de faire participer le plus possible le père d’un mulâtre à ces diverses mesures par le versement d’une pension alimentaire ; (cf. Art. 340 Code Civil Belge)
  7. que le Gouvernement s’efforce de procurer une situation aux mulâtres adultes ;
  8. qu’il s’intéresse aux oeuvres qu’ils fondent dans la Colonie : mutualités, cercles, etc.… pour en garder le contrôle et la surveillance ;
  9. qu’il s’intéresse aux oeuvres qui, au Congo, s’occupent du problème des mulâtres et veille que l’action de ces organismes s’exerce dans le sens du programme qu’il auraadopté. Le problème ne revêtant pas seulement un aspect de bienfaisance mais un aspect social et politique, le Gouvernement, dont le concours est d’ailleurs constamment sollicité, a non seulement le droit mais le devoir d’orienter l’activité de ces organismes dans le sens indiqué ».

En août 1945, un nouveau ministre des colonies entra en fonction. Issu du Parti Libéral, Robert Godding fut saisi par l’importance de la question des Métis et décida de réunir une nouvelle commission chargée d’étudier le problème « sous tous ses aspects », afin d’aboutir à des solutions concrètes, notamment sur trois points : le statut, l’éducation et les carrières des métis.
L’allocution d’ouverture des travaux de la commission fut remarquable à plusieurs égards :
pour la première fois, un ministre prenait en considération une lettre qu’un métis lui avait adressée pour lui demander de s’inspirer de la France qui, dès 1936, avait accordé aux métis des colonies d’Afrique noire la nationalité française indépendamment de leur reconnaissance ou non par leurs pères. Le ministre n’a pas caché son inquiétude sur le renforcement des préjugés raciaux au Congo. De manière très précise, il attend que la Commission examine des questions comme celle du statut et même, de la nationalité. C’est sans détour aussi qu’il invite à examiner la possibilité d’application de la loi sur la reconnaissance de paternité et l’action alimentaire.

Conscient que le nombre de métis reconnus est minime par rapport à celui des non-reconnus, il ne fait pas d’emblée la distinction entre ces deux catégories. Au niveau de l’éducation, il indique déjà qu’il faudra songer à admettre les métis dans les athénées récemment créés au Congo (à son initiative) pour les enfants européens blancs. Il soulève aussi les questions des carrières, autant de problèmes que les métis espéraient voir pris en compte.
La phrase clé est celle du ministre demandant de tenir réellement compte de l’intérêt des métis. C’est un total revirement par rapport à tous ses prédécesseurs qui accordaient la priorité à l’intérêt de la colonie et au maintien de la suprématie de la race blanche. Néanmoins, l’analyse su ministre n’était sans doute pas exempte d’arrière- pensées, à savoir le risque que les métis aigris et même subversifs, et qu’il était donc nécessaire de s’assurer leur attachement sincère en vue de collaborer à l’oeuvre coloniale.

La Commission travailla de 1947 à 1952 sous la direction d’Antoine Sohier mais le remplacement du ministre par le catholique Pierre Wigny, peu après la mise en place de la Commission, réorienta complètement les travaux.
Sous prétexte d’éviter toute discrimination, le président de la commission conduisit la question métisse dans une impasse, à la grande déception de l’Association des Métis de Léopoldville dont toutes les revendications, soumises à la commission, furent rejetées par le ministre des colonies. La commission fusionna avec une autre, présidée par le même Antoine Sohier, et fut chargée de la carte de mérite civique où les critères de civilisation allaient déterminer le statut des individus.

L’admission des métis reconnus et éduqués à l’européenne dans les établissements jusque là réservés aux enfants blancs sera accordée en 1948. Elle sera étendue en 1952, aux métis non reconnus et aux enfants des Noirs porteurs de la carte de mérite civique.
La question métisse fut mise au placard et cessa d’être une préoccupation pour l’Etat belge qui ne réalisa même que les Métis étaient en fait des êtres vulnérables et ne constituaient ni un danger pour la pérennité du système colonial, ni une menace au prestige de sa race.

Conclusion

En guise de conclusion, j’aimerais insister sur le caractère spécifique de la ségrégation dont les Métis du Congo belge et du Ruanda-Urundi ont été l’objet, un fait irréfutable aux conséquences parfois dramatiques, un fait qui n’occulte pas la ségrégation dont les Noirs ont soufferts et qui ne masque pas la souffrance des mères africaines.
Comprendre et admettre cette spécificité permet de prendre en considération la résilience, les cris de révoltes, les chagrins, les besoins d’aide pour se reconstruire, les recherches tenaces du géniteur blanc, l’obstination à retrouver son identité véritable, le souhait et le droit à la réparation sous diverses formes, l’espoir des mères encore en vie, la recherche du frère ou de la soeur dont on a été brutalement séparés, le désir de récupérer la nationalité du père ou de la mère, d’être reconnu dans son identité ou ses identités, la souffrance, les traumatismes transgénérationnelles, la dignité et les droits des Métis nés pendant le régime colonial belge.
Et si vous le permettez, j’aimerais rendre hommage aux hommes Européens dont on parle peu et qui, faisant fi de la morale coloniale ont vécu en couple avec leur femmes africaines qu’ils aimaient et ont assumé leur paternité dans un univers juridique confus et en courant le risque d’être exclus des emplois, des promotions ou simplement de la communauté blanche.
Comme le député bruxellois Serge de Patoul j’aimerais également en ce lieu, rendre hommage aux héros invisibles de cette page de notre histoire, qu'on ne connaît pas, mais qui ont agi pour réduire la conséquence des traumatismes des métis du Congo belge et du Ruanda-Urundi.