Leur histoire est aussi la vôtre, puisque nos grands-pères sont peut-être vos grands-pères

 Ketlie Quintas Lopes

 

Pourquoi ?

Je témoigne aujourd’hui par amour et compassion envers ma mère Marie-Cécile De Roodenbeek, mais aussi pour honorer la mémoire de ma grand-mère Thérèse KAHAMBA, et celle de toutes les autres mamans africaines qui ont souffert d’avoir été séparées de leurs enfants.

Voici mon Histoire :

Enfant, j’étais de nature très curieuse. Avec mon père, je pouvais poser mille questions, et je recevais toujours une réponse. Par contre, avec ma mère c’était différent. Je ne recevais jamais de réponse claire au sujet de son enfance. Lorsque je posais des questions, elle changeait de sujet ou se fâchait. Je pensais que c’était moi l’origine du problème. Mais en réalité, je la faisais souffrir, car je remuais le couteau dans la plaie. Lorsque j’ai pris conscience de cela, je me suis juré de l’aider à éclaircir les zones d’ombre de son histoire. Voici son parcours d’une enfant métisse parmi tant d’autres.

1. Circonstances de sa naissance

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Ma grand-mère était originaire de Lubéro dans la province du Nord-Kivu et appartenait à la tribu des Nandes. Elle travaillait comme aide-ménagère dans une famille de blancs où mon grand-père biologique l’aurait rencontrée lors d’un de ses déplacements. Il était veuf et remarié  lorsque cela s’est produit. Il était administrateur de territoire, autrement dit responsable local.

Ma grand-mère devait avoir à peine 14 ans, peut-être encore moins, quand ma mère a été conçue. Lorsqu’elle est venue au monde, ma grand-mère et son bébé ont été obligés de fuir la région sous  menace de mort. Ensuite, vers 4 mois, ma mère a été arrachée à ma grand-mère par un homme blanc dénommé André J. pour être placée chez des religieuses à Bunyuka. 

Après des recherches plus approfondies, nous avons découvert :

Qu’elle est née le 3 mars à Mulo et non pas le 9 septembre  à Butembo, comme indiqué dans tous ses documents dès son arrivée en Belgique. 

Nous nous posons toujours des questions telles que :  • pourquoi est-ce que les dates et lieux de naissance ont été falsifiés ? • Pour éviter de confondre son géniteur ou pour le protéger vu sa fonction ?

2. À Bunyuka

C’était un couvent des sœurs blanches d’origine hollandaise « Oblates de l’Assomption », un orphelinat pour enfants noirs et une école. C’est là que ma mère a fait ses premiers pas. En tant qu’enfant de Blanc, elle était logée dans la section des religieuses blanches. 

Mais les enfants métis ne pouvaient ni jouer, ni parler aux enfants noirs de l’orphelinat ou du foyer d’enfants. Et pourtant en âge de scolarité, ils allaient à la même école. La ségrégation commençait avant et  juste après les cours. Mère Josèphe, la Supérieure, s’occupait particulièrement de ma mère et des autres filles. C’était la seule qui pouvait les punir et elle le faisait fréquemment.

Parfois des personnalités importantes venaient leur rendre visite. C’est à l’occasion d’une de ces visites qu’une religieuse lui a dit : « Ton père était ici », mais elle n’a pas fait attention à cette information. Ce n’est que beaucoup plus tard que cela a pris un sens : son père existait. (Elle n’était donc pas orpheline).

Elle a appris plus tard que leurs mères n’étaient pas autorisées à leur rendre visite. Car les religieuses craignaient que les mamans africaines ne « volent » les enfants des Blancs. Pourtant, elles venaient souvent de loin, en groupe, et s’asseyaient non loin du couvent en espérant apercevoir leurs enfants. 

3. Exil en Hollande, puis en Belgique

Pendant la rébellion Muléliste au Congo en 1964, les religieuses ont eu peur pour leur vie et elles ont décidé de rentrer aux Pays-Bas  avec trois filles métisses dont ma mère. Elles sont restées aux Pays-Bas quelques mois comme réfugiées, puis les religieuses leur ont appris qu’elles n’étaient plus autorisées à rester sur le territoire. Elles furent  toutes les trois prises en charge par l’APPM, une institution belge.

Très vite deux compagnes de voyage furent placées dans des familles d’accueil belges, où elles furent traitées comme des bonnes. Ma mère, elle, a été à Neeperlt dans la Congrégation des Religieuses du Sacré-Cœur de Marie  .

Les Sœurs lui ont proposé à plusieurs reprises de devenir religieuse ; mais ma mère ne pouvait s’empêcher au plus profond d’elle de penser qu’elle avait une mère et un père quelque part.

Je lui ai demandé, Maman comment te sentais-tu là-bas ?

Elle m’a répondu : «  je me sentais comme une prisonnière; je me suis retrouvée seule et, durant les vacances scolaires et les weekends, je n’avais personne pour jouer ».  Cela l’a rendue très solitaire et méfiante. Cet isolement l’a conduite à se replier sur elle-même et elle s’est réfugiée dans la prière. 

Cependant, à 17 ans, elle s’est révoltée et elle a demandé aux sœurs de lui dire qui était sa mère. Pour toute réponse, elle a eu droit à une longue litanie de stéréotypes sur les Noirs qui étaient inférieurs aux blancs et dont elle devait se désintéresser. Malgré tout, ma mère a gardé contact avec différentes religieuses et, peu avant la mort de  mère Josèphe, elle lui a rendu visite et, enfin, la religieuse lui a révélé son secret: le nom véritable de son père.

4. À la recherche de sa mère

Devenue adulte, avec l’aide de quelques amis métis, ma mère a entrepris de rechercher sa mère sans savoir comment elle s’appelait, ni où elle vivait. 

Arrivée à l’aéroport Goma, elle ne savait pas par où commencer et, fort heureusement, Monsieur Albert Prigogine Nkezayo un métis, après avoir entendu son histoire, a décidé de l’aider à se rendre à Butembo. Là-bas, elle a fait la connaissance du couple Van Nevel qui tenait l’hôtel Oasis.

Mme Van Nevel était originaire de la même tribu que ma grand-mère et connaissait les circonstances de la naissance de ma maman et de son envoi à Bunyuka.  L’identité de son père présumé a été confirmée à ma mère par ces derniers. De plus, ma grand-mère aurait séjourné chez eux après la naissance de ma mère et elle leur avait confié : « un jour ma fille viendra me chercher ». Mais malheureusement, ma mère est arrivée trop tard et les Van Nevel ont dû lui annoncer sa mort et lui ont expliqué les circonstances dramatiques de son décès.

Bouleversée, ma mère m’a dit : 

• J’aurais tant voulu la rencontrer, l’embrasser, lui dire combien je l’aimais, • j’ai tant pensé à elle durant toutes ces années.

Mais le destin en a décidé autrement.

5. Les papiers

Ma mère  a voyagé avec des papiers qui mentionnaient la nationalité congolaise et sans acte de naissance. Bien que née d’un père belge, elle a dû recourir à la naturalisation par voie judiciaire pour accéder à la nationalité belge. À ce jour, elle se pose encore des questions, 

• Existe-t-il quelque part une trace de son véritable acte de naissance ?  • Comment et pourquoi a-t-on falsifié son identité ? • Qu’a fait l’état belge à l’encontre de cet agent qui a caché son existence ?

6. Se reconstruire en permanence

Ma mère a grandi sans repères, sans savoir qui elle était. Cela a provoqué des blessures et surtout une grande vulnérabilité. Mais elle n’a pas de haine, ni de rancœur, car le mal a été fait.  Elle a souffert de ne pas connaître la vérité plus tôt et, pourtant, elle côtoyait des gens qui savaient qui elle était. Elle a souffert d’avoir été cachée et du fait que sa mère n’ait pas été autorisée à lui rendre visite. 

Elle souffre de ne pas avoir su expliquer à ses enfants et petits-enfants la vérité. Son rêve aurait été de rencontrer sa famille, non seulement du côté maternel, mais aussi du côté paternel. Pour se reconstruire, elle a éprouvé le besoin de les connaître sans bousculer qui que ce soit. 

Les connaître sans chercher à être aimé d’eux, ni  profiter d’un quelconque avantage. Mais tout simplement pour retracer ses racines.

Ceci dit, elle n’en veut pas à son père, car elle est née dans des circonstances qui l’ont poussé à l’arracher à sa mère et la confier à des religieuses. Qu’a t’il craint ? Voulait-il la protéger d’une certaine façon? Nous ne sommes pas là pour juger et nous n’en voulons pas à sa famille actuelle qui n’était probablement pas au courant de son existence. 

Des questions la hantent, mais elle a décidé de se prendre en charge. Elle a réalisé qu’au fond elle a eu beaucoup de chance.

Que souhaite-t-elle ?

Son plus grand souhait est de ne plus être considérée comme une orpheline, pire encore comme un enfant de père et de mère inconnus. 

Elle souhaiterait que l’État aide les métis à connaître leur véritable identité puisqu’il s’agit d’un droit élémentaire de tout citoyen d’une nation civilisée. 

Mais aussi que l’histoire soit enfin écrite, car elle se soucie du parcours et de l’équilibre psychologique de ses descendants à qui elle n’a pas pu donner les bonnes réponses. Sachez qu’avec le poids d’une histoire que l’on lui a imposée, elle continue à se reconstruire sans rancœur et sans haine, mais avec un vif désir que l’histoire des métis soit enfin connue et reconnue.

7. Remerciements

Je tiens à remercier personnellement toutes les personnes qui nous ont soutenues dans ce long cheminement.

Mme Leona Vangansberg, une autre métisse membre de l’association Maïsha Yetu.

Mr Assumani, auteur du livre Noirs-Blancs-Métis, qui nous a donné une clé de lecture sur la ségrégation des métis.

Ma mère aimerait dire toute sa reconnaissance à toutes les personnes qui l’ont soutenue durant tout son parcours et ses démarches. 

J’espère que les représentants de l’Etat, ici présents, prendront en considération que des Métis (comme ma mère) ont souffert, sans haine et sans rancune, mais avec une soif infinie et légitime de justice

Leur histoire est aussi la vôtre, puisque nos grands-pères sont peut-être vos grands-pères ou vos grands-oncles. Nous sommes biologiquement liés en tant que citoyens belges. 

 

Merci de m’avoir invitée à témoigner. 

De kwestie van de metissen uit de periode van de Belgische kolonisatie in Afrika.

De kwestie van de metissen uit de periode van de Belgische kolonisatie in Afrika.

Heleen Debeuckelaere

 

 Ik ben de kleindochter van een Rwandese vrouw, de dochter van een Metis, en ik sta hier vandaag als een van de oprichtende leden van de AMB. Maar ook als een zogenaamde ervaringsdeskundige tegen wil en dank. Ik ben hier niet om te spreken voor mijzelf, maar voor mensen die hier niet kunnen zijn vandaag. Voor mensen die hun, bij tijden triestig, mooi of moedig, verhaal niet zelf met jullie kunnen komen delen. We zijn heel dankbaar dat we hier mogen getuigen vandaag. Maar sommigen onder ons hebben goede redenen om dat zelf te doen. Hun levens zijn getekend door een strijd tussen hyper-zichtbaarheid in de ogen van hun omgeving, en onzichtbaarheid in de ogen van de samenleving. Ik sta hier om met hen die onzichtbaarheid te verminderen, zonder hun privacy en hun persoonlijke leven in gedrang te brengen. Een leven dat vaak met veel moeite tot stand is gekomen. Ik ben heel dankbaar dat ik hen hier mag vertegenwoordigen. 

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Ik wil met jullie spreken over wat er is gebeurd hier, op Belgisch grondgebied. Als het gaat over ons koloniaal verleden hebben we het vaak over wat er daar is gebeurd. Alsof het verhalen zijn uit een verre, mysterieuze en gevaarlijke plaats, niet uit een dorp in Limburg of uit de straten van Brussel. Alsof het verhalen zijn die door anderen in gang zijn gezet, door anderen zijn beleefd. Niet je oom uit Schellebelle of je oma uit Veurne. Alsof die verhalen uit een ver verleden komen, waar we niet alle dagen over praten. Alsof het verhalen zijn van mensen die honderden jaren geleden hebben geleefd. Of die in elk geval veel en veel ouder zijn dan ons, en niet even oud of zelfs jonger dan onze ere-voorzitter. 

Niet iedereen onder ons heeft de dingen meegemaakt waar ik vandaag over zal spreken. Velen van ons zijn opgevangen in prachtige gezinnen, met veel liefde grootgebracht, en zijn zich bewust van de kansen die dit leven hen gegeven heeft. Maar er zijn er ook, en dat is geen kleine minderheid, die staan waar ze staan ondanks hun omstandigheden, niet dankzij.  (dit zijn de verhalen van die niet zo kleine minderheid) 

1. Op je 7 jaar op een vliegtuig worden gezet naar een ander land - weg van je moederland naar een vermoedelijk vaderland - terwijl je moeder maar half op de hoogte is, of helemaal niet. Je bent 7, je stijgt op en je komt nooit meer terug.

2. In een gezin komen, een pleeggezin, en een pleegzoontje worden, met broertjes en zusjes,... Behalve dan dat jij geen broertje bent, maar een speelkameraadje, dat beter niet ergens in uitblinkt, ergens beter in is of slimmer dan het echte zoontje, anders is het niet leuk meer. Je bent geen zoontje, geen broertje, meer een hondje lijkt het wel.

3. Dat blijkt nog meer wanneer je op je 15e aan de deur wordt gezet, wanneer de liefdadigheid op is en het huis toch te vol.

4. Je komt terecht in een weeshuis, een instelling, waar anderen zijn terecht gekomen omdat ze misdaden hebben gepleegd. Jeugddelinquenten die je direct met hand en tand zullen duidelijk maken wie de baas is.

5. Je kwam op een lijst terecht. Voor adoptie. Een lijst voor kinderen die geen ouders hebben. Jij was geen wees. Maar je naam kwam toch op die lijst, ze wisten niet waar anders met jou naartoe.

6. Je kwam terecht in een ander gezin, in een andere stad, dan je broers en zussen. Je was te jong om je hun namen te herinneren om hen nog maar te kunnen beginnen zoeken. Hopelijk vinden zij jou..

7. Je hoort dingen die je niet begrijpt maar nooit meer zal vergeten.  Van de Zuster bijvoorbeeld, wat “erfzonde” is. Je bent 6 jaar en je weet weinig over je eigen moeder maar die erfzonde, dat gaat over jou. Van de pastoor hoor je dat je terug wild zal worden op je 18. Als volwassen vrouw weet je nog steeds niet wat hij daar nu eigenlijk mee wou zeggen.  

8. Op school moeten kinderen hun best doen, hun uiterste best, maar jij kan beter niet te hoog mikken. Jij kan maar beter niet de beste zijn. Niet beter dan de andere, de echte kinderen. Jouw groei wordt bepaalt door die van hen. Groter worden is geen optie.

9. Maar je wordt groter en je groeit. En elke keer als je haar groeit moet het er onmiddellijk af. Niemand weet hoe het te kammen, dus houden ze je kort.

10. Als volwassene nog steeds niet op papier kunnen aantonen dat het land waar je bent heengebracht, het land is waar je officieel bij hoort.

11. Als volwassen man te horen krijgen dat je moeder, je geboortemoeder, een totaal andere naam voor je had gekozen. Niemand schreef hem voor je op toen je weg werd gehaald. Dus je hebt er nooit naar geluisterd. Twijfelen of je die naam dan zal aannemen. Terwijl je hem zelf nog niet eens over je lippen krijgt.

12. Na jaren je échte moeder terugvinden. Maar de administratie wil weer niet mee, je hebt de papieren niet om haar dichterbij te kunnen brengen. Je kan niet aantonen dat zij je moeder is, om jullie eindelijk recht te geven op de relatie die jullie is ontnomen. Omdat in een andere administratie op een ander moment iemand anders heeft besloten dat jij geen ouders hebt, en dus ter adoptie kan worden aangeboden.

13. Je kwam terecht in een weeshuis, een instelling, de straat, de bossen. Overgeleverd aan de handen waar je in viel. Soms in goede handen vallen, vaker in handen die niet om je geven, in handen die veel meer van je nemen dan jij wil geven. 14. Verhalen die stoppen, wanneer je wil vertellen wat de pleegvaders, de broers, van jou hebben genomen. Verhalen waarvan je alleen maar wilt zeggen dat ze toch niet met jou en jouw lichaam zijn gebeurd.

 Wat denk je dat er kan gebeuren als een kind van zeven jaar in een land terechtkomt dat hij of zij niet kent. Waar er geen systeem, geen netwerk is, dat jou beschermt. Als een kind in een familiale of institutionele structuur wordt gestoken dat niet jouw belangen beschermt. Als je niet buiten dat systeem kunt bestaan omdat je niet volwassen bent, omdat je niet de Belgische nationaliteit hebt, omdat je er gewoonweg niet bij hoort. 

Alles wat je denkt dat kan gebeuren is gebeurd met deze kinderen, en de oplossingen die werden geboden, waren geen oplossing, integendeel.

Als België de keuze heeft gemaakt om deze kinderen naar hier te brengen. Weg te nemen van hun ouders en op een vliegtuig te zetten. Dan was, en is het vandaag nog, de verantwoordelijkheid van België om voor deze kinderen te zorgen. Om hen te koesteren, te laten groeien, om hun veiligheid te garanderen. Zoals wij allen hopen te doen voor onze eigen kinderen. Die verantwoordelijkheid heeft België niet genomen, het leed is al geleden, niets wat nog volgt kan dat ongedaan maken. Maar we zijn hier nog, en dus hoeft het verhaal niet zo te eindigen. Dus ik sta hier met de hoop, dat we vandaag deze verantwoordelijkheid wel opnemen, en deze kinderen, die nu jouw vrienden, vaders, schoonzussen of moeders zijn, wél koesteren, laten groeien en hun veiligheid garanderen. 

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Pour ma petite fille Shaoline

Extrait du témoignage de  Jack BOTHMA 1943 -2004
Réalisé dans les derniers mois de sa vie  pour sa petite fille Shaoline

Lu par sa fille Sandra BOTHMA

Mesdames, Messieurs les sénateurs et représentant, chers visiteurs de ces auditions.

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Mesdames, Messieurs les sénateurs et représentant, chers visiteurs de ces auditions.

Aujourd’hui je viens partager une petite partie du témoignage de mon Père Jack Bothma né le 27 décembre 1943 à Muramvya de Père Belge John Bothma et de sa Mère Burundaise Feza Nzabirabandi. 

Ce témoignage est celui de mon Père pour sa petite fille Shaoline.

Sachant qu’il était condamné, il a réunis ses dernières forces heures après heures afin d’enregistré plusieurs CD.  Ce serait son héritage qu’il laisserait à sa petite fille Shaoline afin qu’elle connaisse son histoire ainsi que cette page d’histoire absente des livres scolaires. 

Voici des extraits du témoignage de mon Père Jack Bothma:

De 1943 à 1952

Mon Père John Bothma travaillait pour le gouvernement Belge; il construisait des routes, des ponts au Congo et Ruanda-Urundi.  Et faisait aussi le guide de chasse pour certains blancs. Il était très régulièrement en déplacement. Il a reconnu 9 de ses enfants, une première fille en Indonésie ensuite 6 enfants blancs et les deux métis de la colonie Belge plus jeunes, mon petit frère Augustin et moi nés de Mères différentes. 

Depuis ma naissance j’étais en danger, car la famille blanche n’appréciait pas du tout mon existence. De mes 0 à 3 ans, mon Père m’envoya chez des religieux protestants à une longue distance de chez nous, pour ma sécurité. 

A partir de mes 3 ans j’ai vécu avec mon Père, dans la brousse nous nous déplacions au fur et à mesure de la construction des routes.

Lorsque je devais avoir environs 5 ans, on me dit que mes 3 frères blancs venaient passer les vacances avec nous. Durant l’année scolaire ils étaient à l’internat des européens.  J’étais très heureux de passer du temps avec mes grands frères. Mais ce n’était pas réciproque, ils m’ont toujours rejeté car j’étais métis.  Un jour pourtant ils m’ont proposé de les accompagner à la chasse, très heureux, je les ai suivis.  Mais dans la brousse ils m’ont attrapé et jeté dans un trou de prospection minière.

En rentrant, mon Père leur a demander ou j’étais, ils n’ont pas voulu le dire, l’alerte a été lancée avec un tamtam et les ouvriers sont partis dans la brousse pour me chercher.  A la tombé de la nuit, par chance ils ont fini par me retrouver, la région était infestée de léopard et serpent dangereux et je n’aurai probablement pas survécu.

Lorsque, mon père à commencer à être malade, il a fait un testament pour mon petit frère et moi, pour que l’on puisse faire des études, en prévision de son décès.  Il du partir à l’hôpital, à Bukavu. Qui était à 200 de kilomètres de là. Au début on était ravitaillé de vivres par le camion de l’état. Mais petit à petit il y avait plus de l’argent, plus de ravitaillement, plus rien. On était abandonnés là à cette maison, à Matili. Et un jour, on vit de loin, une grosse limousine noire. Augustin et moi, sommes  allés  sur la route pour faire des signes et la voiture s’est arrêtée. 

C’était la femme du gouverneur de Bukavu qui connaissait bien notre papa.  On lui a expliqué qu’on avait plus à manger, plus d’argent, plus rien. Qu’on était abandonnés là. Alors elle nous a proposé de nous emmener à Bukavu. Et comme ça on a quitté Matili en laissant tout derrière nous, les meubles, les armes, les objets. 

On est arrivé à Bukavu chez Delvaux un ami de mon Père.  Au bout d’une semaine, notre père est arrivé. Il avait l’air de bonne humeur et en forme. Il a dit voilà, maintenant je prends des congés pour aller chasser.  Au  fait je crois qu’il savait qu’il était condamné, que ça ne valait plus la peine.  Il a décidé qu’on irait à Rutshuru au-dessus de  Goma, pour chasser. 

À Rutshuru, on a été accueilli chez un docteur, on était bien reçu. Nous sommes partis dans une maison à plusieurs kilomètres de là, à la limite du parc. Il y avait beaucoup de lions, d’hyènes et des hippopotames.  Dans la plantation de café, une à 2 fois par mois, des ouvriers se faisaient attraper par les lions, et se faisaient dévorer. 

La nuit on attendait parfois les bêtes qui venaient, surtout les hippopotames, ils venaient se frotter contre le mur de la maison.  J’avais peur, la nuit. Un jour, on est venu nous dire, qu’il y avait des éléphants dans les environs. Mon Père a pris son fusil, de l’eau, 2 Congolais et ils sont partis, ce jour-là mon Père a fait une crise durant la chasse. 

Quand ils l’ont ramené,  on m’a dit d’aller chercher du secours.  Il y avait un colon de l’autre côté de la brousse. J’y suis allé à pied au travers des papyrus géant, là où il  y avait des hippopotames, des lions et des hyènes.  J’étais petit et j’avais peur. 

Quand je suis arrivé chez le colon, il a pris sa voiture et à dit, « vas-y, j’arrive ! ». Et j’ai dû refaire le chemin dans l’autre sens, mais entretemps la nuit était tombée. On aurait dit que mes pieds ne touchaient pas le sol, tellement j’avais peur, je n’avais que 9 ans. 

Et quand je suis enfin arrivé à la maison, papa n’était plus là. Le monsieur l’avait embarqué pour Goma. Et là on l’a mis dans un petit avion, pour aller plus vite, vers Bukavu. Et nous on est resté là. Il est mort le lendemain vers  8 heures. 

Et à partir de ce moment-là, mon enfer allait commencer et je ne le savais pas encore. 

J’avais 9 ans et Augustin 5. On était avec la maman d’Augustin. On avait demandé au fils du docteur de nous ramener à Rutshuru, chez eux.  Il n’a pas voulu. On a dû repartir chez le docteur à pied, avec une petite bouteille de limonade et une petite bouteille d’eau gazeuse.

Entretemps des européens ont été à la maison de mon Père pour prendre ses armes, ses biens et certains papiers. Des gens que je ne connaissais pas.  

Au moment même je ne réalisais pas que je ne verrais plus jamais mon père. Je ne comprenais pas j’étais trop petit.  Personne n’a pleuré, on ne comprenait rien, on ne comprenait pas pourquoi on devait aller à pied, alors qu’il y avait une camionnette sur place et un Belge qui pouvait nous emmener. 

On a mis 3 jours à marcher au long de la route. Et quand c’était le soir, la maman d’Augustin ouvrait une de ces jupes Africaines et la mettait par terre et voilà, on dormait comme ça. On n’avait pas à manger, juste un peu à boire. La nuit on entendait  les animaux et rugir les lions, on avait peur nous étions accrochés aux jambes de la Mère d’Augustin. Personne ne criait, elle pour ne pas nous effrayer, moi pour ne pas faire peur à mon petit frère. Mais on savait qu’on était des proies faciles, que si on était attaqué on n’avait aucune arme pour se protéger et donc aucune chance.

Le lendemain on continuait notre route, on a continué comme ça jusqu’à Rutshuru chez l’ami de mon Père le docteur, ou on logeait avant d’aller à la chasse.

A notre arrivé cet « ami » avais l’air bizarre. Nous nous sommes dirigés vers nos chambres comme précédemment quand il nous a rattrapés en disant « ICI vous autres, maintenant vous dormirez là-bas avec le boy dans la pailles ! ».  On ne pouvait plus rentrer dans la maison.

Alors qu’il avait été gentil quand mon Père était vivant, à partir de ce jour on était des parias.

On est resté là une semaine ou deux, ensuite j’ai attrapé la malaria. Il m’a fait transférer au dispensaire des noirs. Couché sur un lit de paille, je voyais à côté de moi des malades dont on amputait les jambes avec des scies à bois, il n’y avait pas d’anesthésie alors on les assommait avant d’amputer.

Et moi, petit, je devais voir ça. J’avais une peur terrible, Je croyais que si je m’endormais ils allaient aussi couper mes jambes. J’étais stressé à mort. Et puis petit à petit la fièvre est partie. Le docteur a ordonné à un chauffeur africain de nous conduire à Goma, avec une camionnette. 

Comme la mère d’Augustin pleurait car nous n’avions rien, pas d’argent, pas de nourriture, une femme nous a donné l’hospitalité dans sa cabane. De tous les blancs qui nous connaissaient, aucun n’a voulu nous aider. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à voir les choses autrement, la différence entre la vie du vivant de mon Père et celle à la merci des autres.

Après 2 semaines, on a finalement pris le bateau pour Bukavu.  On devait rejoindre la maison de Delvaux.   Le chemin à pied était long, on est arrivé à la maison plein de boue. Delvaux n’était pas là. Les boys nous ont laissé nous laver, Ils nous ont installé, ils nous ont fait à manger. Ensuite ils nous ont dit que Delvaux était parti à Matili, ou nous habitions quelque mois avant, pour enfermer toutes les affaires de mon père et les ramener à Bukavu.  

Une semaine plus tard, à son retour, il a commencé à crier qu’on ne devait plus rentrer dans la maison, qu’on devait dormir avec les boys dans la cabane. J’étais étonné parce que c’était quelqu’un de gentil quand mon père était vivant, il jouait avec nous, on l’appelait oncle Delvaux. Et là il avait tout à fait changé. 

En fait c’était lui qui était le tuteur des enfants Bothma. Et comme nous on était métis, il  essayait de se débarrasser de nous. Comme ça il n’aurait plus qu’à s’occuper des enfants blancs ainsi que du testament et de l’héritage de notre Papa. 

Alors quelques jours plus tard, on a dû aller avec lui chez le gouverneur à Bujumbura afin de régler des tas des papiers, ensuite il devait nous conduire à l’internat de SAVE. 

Sur la route de l’internat, en pleines forêt entre Bujumbura et Muramvya, il a arrêté sa camionnette et il nous a fait descendre. Et il a dit qu’il retournait en Europe avec notre grande sœur blanche,  pour se marier.  Et nous on devait se débrouiller.  On a du faire le chemin à pied, cela a pris plusieurs jours, nous avions 9 et 5 ans.

On a dormi chez l’une ou l’autre personne qui voulait bien nous accueillir on dormait entre les chèvres, les vaches, les veaux, ça puait, mais il y avait un toit sur la tête.  C’est comme ça qu’on commençait à apprendre à se résigner.  

De 1952 à 1960

Ma mère s’était remariée à un Burundais Musulman, comme j’étais métis et protestant par mon père, j’étais mal vu parce que j’étais un enfant de blanc. 

À Bujumbura, dans sa famille, dès que  je faisais une chose, c’était  tout le quartier qui me courait après. Et j’avais aucune défense, il fallait subir, les coups, les insultes, enfant de blancs. Demi-blancs, Musungu.  Je ne comprenais pas pourquoi les gens étaient si méchants, je ne leur avais rien fait.

Entretemps, l’administrateur de Muramvya est venu trouver Augustin qui était resté avec sa maman et l’a fait envoyer à Save. Un internat conçu et fait spécialement pour les mulâtres de la colonie Belge, SAVE.  Moi, c’est plus tard  que des  militaires sont venus, me chercher pour m’amener à SAVE.

Beaucoup d’enfants à SAVE étaient encore des bébés à leurs arrivée et beaucoup  ne connaissaient pas leurs origines, ni le nom de leur père.  Il arrivait aussi qu’il y ait des frères et sœurs ayant le même père mais qui ne se connaissaient pas parce qu’ils étaient arrivés à différents moments. 

Charles Géradin témoigne

Madame la Présidente du Parlement francophone bruxellois, Madame la Députée,

Mesdames et Messieurs, Sénatrices, Sénateurs, chefs de groupe, Parlementaires et Députés, Mesdames et Messieurs,

 C’est un honneur que vous nous faites en nous invitant à nous exprimer au sein de ce lieu qui est le vôtre. J'y vois un double symbole. Le premier, c'est la vitalité de vos "Jeudis de l'Hémicycle". Le second c’est la singularité du lien qui vous unit et vous rapproche avec tous les citoyens dans divers domaines de notre société.Soyez-en chaleureusement remerciée Madame la Présidente, Madame la Députée. 

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J’en ajouterais un troisième;J’ai ouie dire, Madame la Présidente, que vous aimiez les arts, la musique, particulièrement le chant, c’est là aussi un symbole, gage de sensibilité, de générosité  et d’humanisme dont nous comptons bien profiter. 

Mais, que dire de ceux qui veulent s’exprimer et qui n’en ont pas la possibilité.

Que dire de ceux qui ne souhaitent pas s’exprimer, murés dans leurs silences ils portent sans doute en eux une blessure irréversible, causée par l’humiliation ? un sentiment de culpabilité ? un ressentiment envers ceux qui les ont privés de leur père et surtout de leur mère ?

Ce 20 octobre 2016, ce « Jeudi de l’Hémicycle » nous est consacré. Après plus d’un demi siècle, nous nous exprimerons de notre mieux, certes, parfois avec émotion mais avec d’autant plus de lucidité et de sérénité.  Cette histoire, notre histoire, a aussi sa part d’ombre. Comme toute Nation, la Belgique se grandira lorsqu’elle regardera lucidement son passé colonial. Un devoir de mémoire, voila qui est dit, c’est là la seule manière d’être à la hauteur de ce passé qui nous accable toutes et tous. La seule. Il n’en n’existe pas d’autre.  Mr. Le Député fédéral Benoit Hellings nous a honoré de sa présence au cours d’une de nos réunions, il est représenté ici par son assistante Mme Béatrice Janssens, (merci Mme) le fait que nous nous soyons rencontrés autour de ce sujet démontre bien que la Belgique doit avoir les outils historiques pour assumer son devoir de mémoire. 

En préambule à mon témoignage, Je voudrais si vous le permettez, poursuivre les propos tenu par ce même Robert Ketels lors de ce congrès de 1935 à Bruxelles, présidé par Mr. Paul Crokaert, Sénateur et ancien Ministre des colonies belges dont Assumani Budagwa vient de vous lire quelques extraits, en voici un autre ; Cependant, si tous ne partageaient pas son opinion, les choses n’ont pas changé pour autant. 

…..JE CITE…..

Voici en conclusion, d’autres principes d’actions :

1-la race doit être mentionnée dans l’état civil : les metis ne sont-ils pas introduits en Belgique simplement sous le nom de leur père, sans qu’on ne tienne compte de leur race, ni qu’on l’annonce à leur état civil ? 

2-Pour mieux fixer la réalité, le metis ne doit pas porter un nom européen. 

3-Les responsabilités concernant les introductions de metis en Belgique doivent être déterminées, dénombrées avec précision, avec quelque indulgence pour le passé, avec grande sévérité pour l’avenir.

……FIN DE CITATION…….

Ce préambule vous permettra de mieux comprendre l’attitude et le comportement des autorités belges par rapport au sort réservé à ces enfants nés de relation non tolérées par l’Etat colonial.  Heureusement, comme tous les enfants dans leur insouciance infantile, nos conditions de vie, et c’est bien là le malheur, ne nous faisait pas désespérer de la nature humaine, pas encore….. 

Il faut savoir que le parcours de chacun de ces enfants sacrifiés est différent avec pour point commun de les avoirs retirés de leur mère de force et parfois sous la menace. 

-Les actes de filiation de ces enfants, qui ont été établis malgré des actes de naissances officiels, authentiques de certains pères qui ont pourtant bien reconnu leurs enfants ont eu pour effet la mise sous tutelle massive de ces enfants, sans aucun jugement, sans une nationalité jusqu’à leur 18 ans pour certains d’entre eux, en totale contradiction avec la déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule en son article 15 : 

« Tout individu a droit à une nationalité…nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité ». 

Comme disait Jean Gouyé, acteur et humoriste français, les hommes naissent libre et égaux en droit…après ils se démerdent (s’excuser). Pour beaucoup d’entre-nous ce fut le cas et encore le cas aujourd’hui. Je complèterais cette phrase en disant que les femmes aussi naissent libres et égales en droit, tout de même! ce sont quand même bien elles qui nous mettent au monde non ?. 

Je tiens, à votre disposition Madame la Présidente, Madame la Députée,

-une copie conforme à l’original de mon acte de filiation, établi le 2 septembre 1959 au Rwanda et signé par 3 commis désignés pour l’occasion par l’Officier d’Etat civil belge Mr. Rulmont, aucun de ces commis n’ont jamais rencontré, ni connu ou parlés avec mon père, celui-ci n’ayant d’ailleurs jamais séjourné dans cette région. Cet acte de filiation rendit néanmoins caduque mon acte de naissance.  

Pour être tout à fait clair, je me suis vu retirer ma nationalité belge. Arrivé en Belgique Je ne suis devenu belge que plus tard. Quant à mon meilleur ami Donatien Ceulemans lui il devint Congolais ici même en Belgique, tout de même, Meulemans, Beulemans et Ceulemans ne riment pas vraiment avec Congolais, vous en conviendrez. A la maison communale de Namur, l’Officier d’Etat civil omis de le mettre en garde des dispositions prises par la Belgique envers les ressortissants Congolais, des mesures de rétorsions sans précédent du fait de l’indépendance du Congo. 

J’ai également à votre disposition une copie certifiée conforme à l’original de mon acte de naissance, établi le 24 juillet 1945 un mois après la reconnaissance de mon père. 

Je vous lis aussi un extrait des règles d’attribution de la nationalité belge avant 18 ans près les Affaires Etrangères: 

Né d’un parent belge

  1.  1Vous êtes né avant le 01.01.1967, vous êtes belge né(e) enfant légitime (dans le mariage) d’un père belge. Dans ce cas, vousêtes belge;
  2. Vous êtes né(e) hors mariage et le parent (père ou mère) qui vous a reconnu(e) le premier était belge. Dans ce cas vous êtes belge depuis cette reconnaissance.

 Il faut se rendre compte de cette humiliation qui consiste à vous priver et à retarder l’octroi de la nationalité pour le seul motif d’être né de parents étrangers qui plus est, entre noirs et blancs belges. Avec une telle disposition, cela engendre un trouble identitaire qui ne disparaitra peut être jamais.

 L’Etat colonial est sorti à maintes reprises de son cadre légal.

 J’ai eu la chance d’avoir été accueilli par une famille extraordinaire qui m’inculqua des notions de valeur, du respect d’autrui de la fierté d’être belge et me préservant de ce trouble identitaire.

Certains de leurs petits enfants sont d’ailleurs ici présents et me témoignent toujours de leur affection.  Je m’appelle Charles François Géradin, je suis né le 27 juin 1945 au Congo à Popolo-Lisala, une ville ou localité située le long de la rive gauche du fleuve Congo. Actuellement c’est Lisala tout court, le mot Popolo nous indique peut être qu’il y avait à cette époque une importante colonie composée essentiellement d’italiens, en effet Popolo-lisala en italien veut dire peuple de Lisala.

Mon père

Mon père était belge, s’appelait Victor Géradin, agent sanitaire, fonctionnaire au service de l’Etat colonial.

Bravant les interdits, les préjugés envers tous et contre tout, il m’a reconnu ainsi que trois autres enfants, deux demi-sœurs et un demi-frère. Cet acte lui valu son écartet son renvoie du fonctionnariat colonial belge. Il ne fut pas le seul. Mon père s’est comporté de manière exemplaire, son sens des responsabilités a été remarquable vu le contexte de l’époque. Natif de nos Ardennes, à Houffalize, têtu comme il se doit, homme courageux, digne et d’honneur.  

Héroïque, il participa entre 1940 et 1942 à la guerre de l’Afrique de l’Est, en Abyssinie (Ethiopie) contre les troupes de Mussolini qui s’était rallié à Hitler et fut gravement blessé selon ma tante en portant secours aux blessés, c’était son devoir.  Généreux, il a contribué à la construction d’une pyramide en 1938 érigée en l’honneur de tous ceux qui ont cherché la source du Nil dès les temps des anciens Egyptiens, la source la plus méridionale du Nil.  Mon père y était, il mit la main à la pâte,  il est cité dans la publication trimestrielle de l’Institut Colonial Belge, « Bulletin des séances » parue en 1950, imprimée au n° 25 Avenue Marnix à Bruxelles.  Je lui rends, ici, si vous me le permettez, un hommage solennel. Cela vaut bien toutes les médailles du monde. 

Ma mère

Ma mère était rwandaise. De ma mère je garde un souvenir d’une mère aimante, soucieuse de mon bien être et de mon éducation.

Après avoir quitté le Congo, dont je n’ai gardé aucun souvenir, nous nous sommes installés au Rwanda, plus exactement à Byumba, une ville située au nord-est du Rwanda non loin de la frontière ougandaise. 

C’est à Byumba que ma mère fut convoquée pour la première fois chez un Administrateur- territorial non sans quelques appréhensions, car lorsqu’on demandait aux autochtones, aux rwandais,  à quoi servait un Administrateur territorial, qui par ailleurs, toujours accoutré d’un uniforme militaire, et en courte culotte, ce qui le rendait quand-même un peu moins impressionnant, d’ailleurs j’en portais une aussi, la réponse était, … c’est quelqu’un qui met les gens en prison.  De cet entretien, l’Administrateur territorial décida de me retirer à ma mère pour la première fois sur décision de l’Etat colonial, ce ne sera pas la dernière fois.  Ma mère fut contraint de m’envoyer à Save, forcée de déménager, elle s’installa donc à Astrida (aujourd’hui devenu Butare) à quelques encablures de là, pour ne pas trop s’éloigner de son fils. Elle ne fut d’ailleurs pas la seule. 

Save

A Savé J’avais la chance de retourner auprès de ma mère pendant les vacances, mon père me rendait de temps à autre quelques visites, mon grand père, alors déjà fort âgé me rendit également visite.

En février de cette année Mme Soraya Ghali du Vif-l’Express a recueilli mon témoignage sur nos conditions de vie à Savé, je l’en remercie. Un exemplaire de ce témoignage vous a été remis. Je ne m’y attarderais donc pas plus qu’il ne le faut. A l’âge de 7 ou 8 ans les garçons quittaient Savé et étaient envoyés à Byimana au Rwanda ou à Nyangezi au Congo. Les sœurs, vertueuses s’inquiétait sans doutede notre taux de testostérone alors qu’un mur haut et aussi épais, tels qu’on les construisait au moyen âge nous séparait des filles.

 Byimana.

 Byimana était un institut tenu par les frères Maristes, nous y poursuivions nos études. A Byimana nous nous sommes épanouis vaille que vaille, par le sport, le football, la chasse le soir dans les marais dans la pénombre, nous attrapions des grue-couronnées, nous avions même construit un enclos avec quelques biches et chevreuils fruit de notre agilité, diable ! je me demande encore comment nous nous y prenions.  C’est à Byimana que 3 événements allait marquer mon destin futur ;

  1. je fus pris discrètement en charge par un Père Jésuite nommé Charles Dury
  2. ensuite, durant mes vacances, j’assistais à la 2em convocation de ma mère chez   l’Administrateur territorial. Cette fois ma mère allait sortir de ses gongs
  3. et enfin mon admission au collège jésuite de Bujumbura en Urundi et mon départ pour la Belgique.

Le père jésuite Charles Dury, dont la sœur, devenue Députée qui fut une de vos collègues, me disait toujours, en ce monde il y a des gens biens, de bonnes personnes, il suffit de les rencontrer et de les connaître, il fut le premier que j’ai connu, il me trouva une famille d’accueil en Belgique, une famille merveilleuse et m’assura de toute son attention des années durant. 

Pour la seconde fois ma mère et moi sommes convoqué chez l’Administrateur territorial assisté d’un traducteur car ma mère ne parlait pas la langue Française, elle compris vite l’enjeu de cette convocation on allait lui retirer une seconde fois son fils et cette fois l’envoyer en Belgique, elle ne tarda pas à réagir, elle parlait beaucoup ma mère, c’était une artiste de la parole, sur ce point elle excellait.  A cette occasion elle s’illustra dans le lyrisme avec un penchant dramatique pour la circonstance.

J’observais l’Administrateur sidéré, incrédule écoutant les diatribes de ma mère et qui, désorienté, n’espérait plus rien de son brave traducteur qui pourtant était rwandais. Je soupçonnais aussi ma mère de vouloir négocier, mais négocier quoi ? elle savait que le combat était perdu d’avance.  Et enfin, mon admission au collège jésuite de Bujumbura, dernière ligne droite avant mon départ en Belgique.

Le collège du Saint-Esprit à Bujumbura, ultra moderne fut construit par un grand architecte belge, Roger Bastin début des années 50 conjointement par le Rwanda et le Burundi, on confia aux jésuites l’enseignement pour former la future élite de ces deux pays, je n’en aurais pas le temps mais j’y appris tellement de chose en si peu de temps, il faut dire que la discipline y était rude et pourtant nous n’avions que trois choses à faire, école, étude et sport……   j’ai donc demandé à ma mère de me laisser continuer mes études en Belgique, je lui promis de rester en contacte avec elle et de revenir un jour, elle fut soulagée signa les documents ad-hoc, de mon côté  j’ai tenu ma promesse. 

Je termine en rendant un hommage à la famille qui m’a accueilli en Belgique, lui je l’appellerai le père Case, elle la mère Case. Malgré leurs lourdes charges, 4 enfants aux études dont deux à l’université, ils m’accueillirent avec générosité, leurs enfants avec enthousiasme.  De la mère Case je garde un souvenir très précis, chaque vendredi, jour que je redoutais car il fallait se lever à 5h du matin pour aller au marché matinal, avant de rentrer à la maison elle faisait le tour du quartier pour distribuer des cageots de fruits et de légumes aux plus démunis et que je ne devais rien dire.  Le père Case, découvrit le pot au rose et lui dit tout simplement « est ce bien raisonnable » nous avons découvert, après son décès,  qu’il travaillait aussi depuis quelques années bénévolement comme secrétaire des habitations ouvrières de Bruxelles.  J’ai toujours pu compter sur leurs enfants, je garde de bons contactes avec leurs petits-enfants, L’un d’eux me présenta l’arrière de leur petit-enfant et lui dit « je te présente ton oncle d’adoption.

 Madame la Présidente …….Mesdames, Messieurs, Je vous remercie pour votre bienveillante écoute.

 Charles Géradin.

Bruxelles, le 20 octobre 2016.